Le metaverse, nouvelle destination des produits de luxe
En mai dernier la Maison Gucci organisait sur le monde virtuel Roblox une expérience immersive où les joueurs étaient libres de construire ce qu’ils souhaitaient et personnaliser leurs avatars grâce aux éléments de l’exposition. À travers cet espace virtuel, les participants pouvaient visiter des décors inspirés de la marque, essayer et acheter des articles virtuels reproduisant des créations réelles de la Maison. Un sac Gucci Dionysus virtuel s’y est même revendu à 3 600€, un tarif supérieur au prix de vente de l’article physique. En parallèle, l’annonce en octobre de Mark Zukerberg de recruter 10 000 personnes en Europe pour créer le metaverse pour son groupe Meta confirme ce pari d’un monde numérique et augure un potentiel économique et marketing significatif.
Qu’est-ce que le metaverse ?
Le concept générique issu de l’anglais, metaverse, mot-valise composé de « meta » (« au-delà » en grec ancien) et de « universe », désigne les mondes numériques, pérennes et partagés où les interactions entre habitants virtuels sont rendues possibles, souvent au moyen d’avatars en 3 dimensions. Les créateurs du secteur du luxe y ont déjà leurs habitudes : Valentino et Marc Jacobs disposent chacun d’une boutique dans l’univers de jeu Nintendo Animal Crossing, où les joueurs peuvent offrir à leurs avatars des vêtements inspirés des deux marques. En août, Ralph Lauren commercialisait une collection de 50 vêtements numériques dans le réseau social Zepeto, afin de personnaliser les avatars aux couleurs de la marque. Dernier exemple en date, la Maison Balenciaga mettait un pied dans le fameux « battle royale » virtuel si prisé des adolescents Fortnite pour y commercialiser des « skins » (tenues de joueurs) et des accessoires conçus par la marque.
Source : balenciaga.com
Ces différents mondes représentent autant de nouveaux canaux de commercialisation pour les marques. D’après une note de novembre 2021 publiée par Morgan Stanley, le metaverse représenterait un marché adressable de 8 000 milliards de Dollars, susceptible de devenir la « plate-forme de médias sociaux, de streaming et de jeux de nouvelle génération ».
Cependant, la propriété et la possible revente de ces articles virtuels restent limitées à l’utilisation dans un seul univers virtuel. Il est ainsi impossible de les transposer dans un autre univers ou d’en pérenniser la propriété même au-delà du jeu.
Les NFT repoussent les limites des metaverses
Afin de pérenniser la propriété de ces biens numériques, les NFT « non-fungible tokens », des actifs uniques, numériques et commercialisables, ne sont pas restés longtemps hors du champ des acteurs du luxe. Afin de transformer un fichier numérique en NFT, il est nécessaire de lui associer une signature numérique qui s’applique sur un marché numérique. Le plus souvent, celui-ci s’appuie sur la technologie blockchain où les échanges se fondent sur une crypto-monnaie. La technologie blockchain permet alors à ces marchés numériques de reconnaître que la propriété d’articles numériques a été transférée d’un utilisateur à un autre. Aujourd’hui, les NFT reposent sur la blockchain ERC du réseau Ethereum, et peuvent se transférer comme cette même crypto-monnaie en échange de quelques “Gas Fees”, des frais de transaction sur la blockchain Ethereum. C’est donc ce NFT qui servira de certificat d’authentification.
L’utilisation des NFT dans le domaine du luxe
Les exemples d’utilisation de ces NFT dans des univers virtuels se sont multipliés ces derniers mois. En juin dernier, Gucci vendait aux enchères une vidéo réalisée par son Directeur Artistique Alessandro Michele, payable uniquement en crypto-monnaie Ethereum et au bénéfice de l’UNICEF. De son côté, Balmain créait une robe entièrement virtuelle baptisée « Flame », sous la forme d’un NFT hébergé sur une blockchain et disponible à la vente sur la plateforme d’achat et de revente de cryptomonnaies Binance. En août, Louis Vuitton proposait un jeu vidéo à l’occasion des 200 ans de la naissance de son fondateur, qui permettait aux joueurs de collectionner 30 créations numériques authentifiées via des NFT.
Source : Louis : The Game
En novembre dernier, la Maison Givenchy, via une coopération de son Directeur Artistique Matthew M. Williams avec l’artiste américain Chito, a mis en vente 15 NFT sur la marketplace de crypto-assets Opensea au profit d’une ONG. Le marché réagit favorablement : un NFT de Dolce & Gabbana a été vendu 351 ETH (environ un million de dollar) au moment de l’enchère, lors d’une vente qui mélangeait objets physiques et numériques. Selon Morgan Stanley (novembre 2021), les NFT pourraient élargir le marché total adressable des groupes de luxe de plus de 10% dans huit ans et augmenter les bénéfices du secteur d’environ 25%.
Les enjeux multiples du Metaverse et de la gamification
Les possibilités offertes par les différents metaverse, déclinés aujourd’hui en nombreux jeux vidéos et réseaux sociaux ludiques, imposent aux marques d’enclencher un processus de gamification. Il s’agit d’appliquer à des créations artistiques un ensemble d’éléments typiques du domaine des jeux, généralement via des techniques marketing afin d’encourager l’engagement de l’utilisateur-joueur avec un produit ou un service. De cette approche découlent toutes les problématiques liées à la conquête d’un nouveau canal de vente :
- Comment maitriser l’information produit nécessaire à la définition d’un bien numérique ?
- Comment adapter les visuels et les informations produits avec les spécifications techniques des différents metaverse ?
- Comment fournir les descriptifs nécessaires aux utilisateurs sans nuire à l’expérience de jeu dans un metaverse ?
- Les produits de luxe seront-ils tous compatibles avec les codes du jeu vidéo ?
- Faut-il se limiter à des interactions entre avatars de type Second Life ou à des superpositions d’univers au sein du même metaverse ?
- Comment faire valoir ses droits d’usage et d’image dans des univers virtuels ?…
Source : Marc Jacobs
Dans ce contexte de mondes virtuels mêlant monde réel et productions numériques, les interactions au sein du metaverse changent le rapport à l’objet des consommateurs. Certains biens pourront être achetés virtuellement uniquement, d’autres associés avec des produits physiques existants. Si certains produits sont vendus purement numériquement, les marques devront revoir entièrement leur parcours client pour adapter l’expérience utilisateur en fonction de l’évolution des usages et de conception proposée dans les metaverse. C’est déjà le cas avec les marques qui commencent à créer leurs produits et collections numériques pour suivre les attentes de personnalisation et d’individualisation des achats. L’Oréal a créé sa marque de maquillage virtuelle “Signatures Faces” qui se veut à destination des conférences vidéos et qui pourra être commercialisé au sein du metaverse. La Maison Dior a également lancé une ligne de maquillage spécifique pour les avatars du réseau social Zepeto. Le contenu produit s’adapte alors aux différents metaverse et les informations produits sélectionnées se limitent à celles qui offrent le plus d’impact auprès des consommateurs.
Source : Journal du Luxe
À noter que dans le contexte des metaverse « gamifiés », l’utilisation des NFT est encore loin d’être systématique. Le secteur des jeux vidéos se montre encore prudent face à cette technologie qui définit de nouvelles règles de propriété. S’ils sont les bienvenus sur le portail Epic Games (propriétaire du jeu Fortnite), c’est un autre géant, Steam, qui s’y oppose et en interdit l’usage sur son store en ligne.
Conclusion
Face à ce phénomène, les Maisons du Luxe devront adapter leur contenu en fonction des nouveaux usages et des parcours d’achat que proposeront les metaverses.
Le Metaverse est souvent avancé comme une entité unique, mais il représentera autant d’univers différents avec ses propres codes, comme les plateformes e-commerce. Les acteurs du Luxe devront composer et adapter leur contenu en fonction des spécificités et de l’évolution du marché.
Adone Conseil vous propose de vous accompagner sur vos projets de transformation digitale, via une approche pragmatique, fondée sur l’excellence et la connaissance métier.